Une revue systématique antérieure avait conclu que, comparés aux exercices de renforcement, les exercices de contrôle moteur pouvaient apporter de petits avantages à court terme, dont l’importance clinique était incertaine, pour les adultes présentant une douleur à l'épaule reliée à la coiffe des rotateurs, mais que de nouveaux essais cliniques randomisés de bonne qualité étaient nécessaires.
Ce blogue résume les résultats d’un essai clinique randomisé que nous avons récemment publié dans le British Journal of Sports Medicine. Les auteurs sont originaires du Canada et du Royaume-Uni et possèdent une expertise clinique et de recherche dans la gestion des troubles musculo-squelettiques liés à l'épaule. Si vous avez des questions ou si vous souhaitez discuter de cette étude plus en détail, n'hésitez pas à contacter l'auteur de ce blog, qui se trouve être l'un des auteurs de l'étude, à l'adresse suivante marc-olivier.dube.1@ulaval.ca ou sur Twitter @marco_dube.
La douleur à l'épaule est une atteinte musculosquelettique très prévalente, comme en fait foi les 70 % d'individus qui connaîtront un épisode de douleur à l'épaule au cours de leur vie.[1] Malheureusement, 50 % d'entre eux rapporteront encore des symptômes récurrents ou persistants 12 mois après l'apparition initiale des symptômes.[2] Parmi les diagnostics rencontrés dans la pratique clinique, la douleur à l'épaule reliée à la coiffe des rotateurs a été identifiée par les experts dans le domaine de la douleur à l'épaule comme un terme large permettant d’englober de nombreux diagnostics fréquemment énoncés tels que la tendinopathie de la coiffe des rotateurs, le syndrome de conflit sous-acromial, la douleur sous-acromiale et les ruptures partielles atraumatiques de la coiffe des rotateurs.[3] Même si de nombreuses interventions, telles que les exercices, l'éducation et les injections, se sont révélées efficaces pour la prise en charge de cette atteinte musculosquelettique, près de 30 % des patients ne rapportent pas d'amélioration significative de leurs symptômes, quelle que soit l'intervention utilisée.[4] Une explication possible derrière ce manque d'efficacité pourrait être la sélection des exercices prescrits par les cliniciens. Une revue systématique antérieure avait conclu que, comparés aux exercices de renforcement, les exercices de contrôle moteur pouvaient apporter de petits avantages à court terme, dont l’importance clinique était incertaine, pour les adultes présentant une douleur à l'épaule reliée à la coiffe des rotateurs, mais que de nouveaux essais cliniques randomisés de bonne qualité étaient nécessaires.[5]
L'objectif de cet essai clinique randomisé était donc de comparer trois façons différentes de prendre en charge la douleur à l'épaule reliée à la coiffe des rotateurs : 1) éducation uniquement ; 2) éducation combinée à des exercices de contrôle moteur ; 3) éducation combinée à des exercices de renforcement. Notre équipe de recherche avait pour objectif d'évaluer si l'une de ces trois interventions fréquemment utilisées pouvait conduire à une diminution plus importante de la douleur et/ou des symptômes. Nous avons également cherché à évaluer si les interventions conduisaient à des résultats différents concernant la distance acromiohumérale, la force de groupes musculaires de l’épaule et les caractéristiques psychologiques associées à la douleur persistante.
Pour répondre à cette question, nous avons réalisé un essai clinique randomisé avec trois groupes parallèles.[6]Nous avons recruté 123 adultes souffrant de douleur persistante à l'épaule reliée à la coiffe des rotateurs et les avons assignés aléatoirement à l'une des trois interventions d'une durée de 12 semaines.
Éducation et conseils : Les participants de ce groupe ont pris part à une séance initiale de 30 minutes avec un physiothérapeute au cours de laquelle ils ont reçu des informations sur leur épaule et leur douleur, ainsi que des conseils sur la modification des activités et l'importance d'un mode de vie sain (hydratation, nutrition, sommeil, activité physique, gestion du stress). Ils devaient également regarder six courtes vidéos à la maison sur ces sujets avant d'en discuter avec le physiothérapeute lors d'une deuxième séance de 30 minutes où leurs questions restantes étaient répondues.
Éducation combinée à des exercices de contrôle moteur: En plus de la même intervention d’éducation que dans le premier groupe, les participants de ce groupe ont reçu un programme d'exercices visant à faciliter le mouvement de leur bras afin de permettre un mouvement moins douloureux et de réduire les compensations potentielles. Une fois que les participants réussissaient à effectuer des mouvements simples d'élévation de l'épaule sans douleur, les exercices progressaient à des mouvements plus fonctionnels reflétant les activités de la vie quotidienne, comme soulever, lancer, faire des mouvements précis, pousser, tirer, attraper et transporter. Les participants devaient effectuer leur programme comprenant cinq à six exercices à tous les jours.
Éducation combinée à des exercices de renforcement: En plus de la même intervention éducative que dans les deux premiers groupes, les participants de ce groupe ont bénéficié d'un programme d'exercices visant à augmenter potentiellement la force des muscles de leur épaule grâce à des charges plus élevées. La stratégie utilisée pour prescrire les exercices dans ce groupe peut être définie comme une stratégie avec charges élevées et faible nombre de répétitions. La charge prescrite correspondait à 80-90 % d’une répétition maximale, ce qui équivaut à une charge permettant quatre à huit répétitions jusqu'à ce que la fatigue musculaire les empêche d'en faire plus. Les exercices sélectionnés ciblaient les rotateurs internes/externes de l’épaule, les abducteurs et les muscles scapulaires. Les participants devaient effectuer leur programme de sept exercices à tous les jours.
Les symptômes, la fonction, la douleur, la kinésiophobie, la catastrophisation de la douleur et l'auto-efficacité face à la douleur ont été évalués au début de l'étude, puis après 3, 6, 12 et 24 semaines, à l'aide de questionnaires auto-administrés validés, tels que le QuickDASH, le Western Ontario Rotator Cuff Index (WORC), le Brief Pain Inventory Short-Form (BPI-SF), le Tampa Scale of Kinesiophobia (TSK), le Pain Catastrophizing Scale (PCS) et le Pain Self-Efficacy Questionnaire (PSEQ).La force isométrique maximale de l'épaule en abduction et en rotation externe a été évaluée lors de l’évaluation initiale et après 12 semaines à l'aide d'un dynamomètre manuel et les mesures échographiques de la distance acromiohumérale à 0° et 60° d'abduction du bras ont été effectuées lors de l’évaluation initiale et après 12 semaines à l'aide de procédures valides et fidèles.[7]
Bien que les trois interventions aient été efficaces pour améliorer les symptômes, l'ajout d'exercices de renforcement ou de contrôle moteur n'a pas apporté de bénéfices additionnels par rapport à l'éducation seule. Il en va de même pour les caractéristiques psychologiques : les individus des trois groupes ont eu une réduction statistiquement significative de la catastrophisation de la douleur et de la kinésiophobie, ainsi qu'une amélioration statistiquement significative de l'auto-efficacité face à la douleur, sans qu'aucun groupe n'obtienne de résultats supérieurs. Enfin, lors du suivi à 12 semaines, il n'y avait pas de différences significatives entre les groupes pour la force isométrique maximale de l'épaule en abduction ou en rotation externe, ni pour les mesures échographiques de la distance acromiohumérale à 0° et 60° d'abduction du bras.
Ces résultats peuvent en surprendre certains, mais d'autres études de haute qualité récemment publiées et évaluant les interventions pour la douleur à l'épaule reliée à la coiffe des rotateurs, telles que les essais cliniques SExSI et GRASP, ont également montré que des interventions d'exercices plus exhaustives ne semblaient pas apporter de bénéfices supplémentaires par rapport aux conseils de meilleure pratique ou à la prise en charge habituelle en physiothérapie.[8,9]
Les cliniciens peuvent considérer l'éducation et les conseils comme une intervention de première ligne efficace pour la douleur persistante à l'épaule reliée à la coiffe des rotateurs. Ils doivent se rappeler que l'éducation et les conseils doivent être l'un des éléments clés de la prise en charge et être individualisés en fonction des caractéristiques du patient. L'éducation dispensée aux patients peut inclure des sujets tels que la quantification du stress mécanique et la modification temporaire des activités, l'autogestion de la douleur et l'importance d'être physiquement actif et de prioriser un mode de vie sain.[10]
Même si l'ajout d'exercices n'a pas apporté de bénéfices supplémentaires dans notre étude, les cliniciens peuvent toujours envisager de les inclure dans la prise en charge des patients car ils représentent une intervention peu coûteuse accompagnée de très peu d'effets indésirables. Les exercices sont également une composante importante d'un mode de vie sain et constituent une intervention clé dans la promotion d'une santé durable et le maintien de l'autonomie fonctionnelle dans le temps.[11]