Il est pratiquement impossible de lire tous les articles scientifiques publiés de nos jours. Alors, comment choisir les bons ? Voici quelques conseils :
Feuilleter la nouvelle littérature scientifique au complet, à l’ère actuelle, c’est pratiquement impossible. Personne n’a le temps de consulter les banques de données et de faire son magasinage d’articles pendant des heures ! Il faut donc faire des choix quand vient le temps de consommer les connaissances. Et malheureusement, tous les articles ne sont pas égaux en termes de qualité. Mais quels sont les trucs pour en choisir un bon ? On vous en donne quelques-uns.
Le premier critère de sélection d’un article, c’est la pertinence de sa thématique. La pertinence n’est pas seulement déterminée par le niveau d’intérêt du lecteur, même si celui-ci est d’une importance capitale. Elle se définit aussi par la proportion des lecteurs qui se sentiront interpellés à la lecture du contenu, la quantité de professionnels pour qui la problématique abordée est directement liée à la pratique clinique. Lorsque nous sommes cliniciens, nous voulons que nos nouvelles connaissances servent à autre chose qu’impressionner le « mononcle complotiste » au prochain souper de famille. Cela doit nous aider dans notre pratique, ou encore mieux, aider directement notre client ou notre organisation.
Plus le sujet est précis, plus la clientèle ciblée sera limitée. Les nouvelles interventions ou approches se situent souvent dans cette catégorie, mais il ne faut pas les mettre de côté pour autant. On se questionne souvent sur des sujets précis fort pertinents : choisir les meilleurs paramètres d’exercices pour une condition donnée, choisir un test diagnostic plutôt qu’un autre moins efficace, sélectionner la meilleure trajectoire de services pour une personne ou évaluer l’efficacité d’une nouvelle modalité. Par ailleurs, les cliniciens d’aujourd’hui semblent apprécier développer des expertises avec des clientèles particulières et être plus enclins à rechercher des connaissances qui s’appliquent à une moins grande proportion de la population. L’importance du sujet pourra donc varier selon la culture et le type de professionnel (clinicien, gestionnaire, etc.) qui consomme la littérature.
Pour juger de la pertinence d’un sujet, on doit aussi tenir compte du contexte de réalisation de l’étude. « Est-il comparable à la réalité de ma clientèle, des ressources de ma clinique, de l’accessibilité dans ma ville ou de l’organisation de mon système de santé ? » Les connaissances ne peuvent pas toujours être généralisées ou appliquées telles qu'elles ont été lues : elles doivent être mises en contexte. Ainsi, on devra tenir compte de la région et de l’année de réalisation de l’étude (idéalement ≤10 ans) pour juger de son contexte.
Un autre critère important pour le choix d'un document est sa qualité méthodologique. Il existe de nombreuses façons de mener un projet de recherche, mais ces multiples options ne conduisent pas toutes au même niveau de crédibilité des résultats. La notion de niveau de preuve fera l'objet d'une autre publication du blog, mais nous pouvons tout de même présenter ici quelques conseils sur la qualité globale de certains types d'études. Il est généralement admis que les études dont la qualité méthodologique est la plus élevée sont les essais contrôlés randomisés, les revues systématiques, les méta-analyses et les lignes directrices pour la pratique clinique. Elles peuvent être considérées comme une pyramide, où les essais contrôlés randomisés constituent la base solide, menant aux résumés des connaissances que sont les 3 autres.
Les essais cliniques randomisés constituent la base de la pyramide. Cette méthodologie de recherche est rigoureuse, mais un seul article n’est pas suffisant pour tirer des conclusions solides sur une problématique de recherche donnée. En contexte idéal, une revue systématique représente un inventaire de toute la littérature scientifique existante sur un sujet donné. La stratégie de recherche est rigoureuse et bien répertoriée. Elle inclut les bases de données consultées, les critères d’inclusion et d’exclusion des articles, ainsi qu’un graphique de type « flow chart » pour illustrer le processus. Ce graphique sert à expliquer quand et pourquoi les articles trouvés ont été exclus du résumé des connaissances. Dans un monde parfait, la revue systématique contiendrait seulement des essais cliniques randomisés de bonne qualité, mais c’est rarement le cas. C’est pourquoi il faut creuser un peu plus loin pour savoir si l’article en vaut la peine (nous vous présenterons dans un autre article les principes de bases pour déterminer la qualité méthodologique d’un article scientifique).
La méta-analyse, c’est comme la revue systématique « level 2 ». Si les articles répertoriés mesurent les mêmes structures et disent suffisamment la même chose, il est possible d’analyser ensemble leurs résultats pour améliorer la force des conclusions (parce que tout le monde sait qu’ensemble on est plus forts?) C’est à partir de méta-analyses que les guides de pratique clinique seront élaborés, afin d’émettre des recommandations (quel test ou intervention privilégier, par exemple) et de juger la force possible de ces recommandations cliniques. Ce qui est important à comprendre, c’est que la force des recommandations cliniques dépend directement de la qualité des études incluses au tout début du processus !
Attention à ne pas mélanger les guides de pratique clinique avec les consensus d’experts, qui n’ont pas du tout la même valeur scientifique! Les consensus d’experts, comme les opinions, n’ont pas souvent la rigueur méthodologique nécessaire pour être élevés au rang de guide de pratique. Au même titre, une revue narrative est de moindre qualité qu’une revue systématique. Si on retire la rigueur du processus scientifique, on obtient un article trop teinté de l'expérience clinique des auteurs, qui peut d'ailleurs être victime de biais de confirmation (vouloir retenir l’information qui confirme son point) et de désirabilité (vouloir retenir l’information qui sera bien vue de son public cible), on peut penser qu’un traitement aide une condition alors qu’elle s’améliorer naturellement, ne pas tenir compte de l'effet placebo, ou même avoir oublié la proportion de fois où l'intervention n'a pas fonctionné. Bref ; rigueur, s’il vous plait.
Nous avons identifié quelques autres critères qui peuvent aider à déterminer si un article est digne de lecture. On note, de façon non exhaustive :
Il est à noter qu’un article qui présente des résultats nuls ou non significatifs est tout de même un article intéressant pour travailler la réflexivité. Si vous voulez savoir ce qui fonctionne pour vos clients, il est aussi nécessaire de savoir ce qui ne fonctionne pas, ou ce qui n’a pas encore été prouvé. Trouver des articles qui vont seulement dans le sens de l’approche qui nous intéresse est un piège qu’il faut à tout prix éviter. On vous conseille fortement de garder en tête que même si la méthodologie n’est pas votre section préférée, sa lecture est un investissement pour améliorer votre esprit critique !
Bonne lecture !
du 21 au 31 janvier 2025.